Pierre Bergé

Je viens de terminer le livre Beautiful people, qui retrace de façon sulfureuse les parcours entrecroisés d’Yves Saint Laurent et de Karl Lagerfeld, quand j’apprends que je vais rencontrer Pierre Bergé. Pour ceux qui ne connaitraient pas, Pierre Bergé est un acteur important de ce monde qui fut le compagnon et mentor d’YSL, présent à ses côtés jusque dans les dernières secondes de sa vie. Je me suis toujours amusé à l’appeler « Le dernier Parrain », car à mes yeux il représente un monde, mêlant habillement culture, politique, business et social qui tend à disparaître ou pour le moins à se métamorphoser.

C’est une rencontre importante pour moi. Nous attendons avec mon complice et ami Eric Briones dit Darkplanneur dans le bureau de l’hôtel particulier de l’avenue Marceau, entourés d’un tableau de Warhol et d’un autre de Braque. Il y a beaucoup d’émotions dans ce bureau qui semble ne pas avoir bougé depuis des décennies. Yves Saint Laurent est omniprésent, des lettres de lui, des mots de Warhol à son attention, de Cocteau aussi, des moulages en plâtre de ses mains, un tas de lunettes, des coussins brodés lui souhaitant son anniversaire en 81, de vieilles K7 empilées de la Callas. Je suis au cœur de l’intimité d’un des plus grands créateurs que la mode ait connu.
Pierre Bergé entre dans la pièce et nous salue avec fermeté et délicatesse, je suis impressionné. C’est un séducteur à sang froid, charismatique, je peine à tenir son regard qui me fixe. Je le décortique des yeux et je songe quelques instants à son ami Mitterand. Je lui demande de m’accompagner car je souhaite faire quelques portraits de lui, il se prête au jeu avec un plaisir soigneusement dissimulé. Sa voix grave et son phrasé lent viennent entrecouper chacune de mes prises de vues, j’oublie l’homme et me concentre sur l’être.

Une image tirée de la vidéo qui suit, prise par Laure au moment même où je faisais le premier portrait.